Selon un rapport de juin 2015 du Bureau International du Travail (BIT) 28% des enfants malgaches âgés de 5 à 17 ans sont des travailleurs. L’institut national des statistiques de Madagascar évalue leur nombre à 2 millions.
Le rapport mondial de l’Organisation Internationale du Travail s’est intéressé à la « transition de l’école au travail » à travers une étude menée dans 28 pays. Rappelons que Madagascar a ratifié en 2000 la convention internationale sur l’âge minimum pour l’arrêt de la scolarité et l’entrée des jeunes sur le marché du travail (15 ans), ainsi qu’en 2001 la convention pour « l’abolition des pires formes de travail des enfants ». Mais ces accords internationaux, bien que transposés en droit interne malgache (décret de 2007), ne font pas l’objet d’une véritable mise en œuvre et de contrôles et sanctions à la hauteur de la situation.
Malgré les textes et les déclarations, le taux de scolarisation des enfants à Madagascar baisse. De 83% en 2005 il était descendu à 73% en 2010. Bien que ne disposant pas de statistiques plus récentes et fiables, il nous semble malheureusement évident que face aux difficultés économiques et sociales si fortement accrues depuis 2009 ce chiffre n’a pu que continuer à se dégrader.
Un quart au moins des enfants malgaches n’accède donc pas à une scolarisation lui permettant de se former pour se construire et construire une vie meilleure. C’est un cercle vicieux qui s’entretient ainsi. Face aux difficultés les enfants demeurent auprès des parents pour les aider dans le travail de la terre (ou la pêche), des parents qui sont d’ailleurs bien en peine pour prendre en charge les frais de scolarité (« écolage » qui permettent de payer les enseignants et à l’école de fonctionner, un coût de l’ordre de 2 à 4 euros par mois qui pèse pourtant lourdement pour un grand nombre de familles) ou le coût de la cantine (quand elle existe et qu’elle n’est pas soutenue par une ONG). Mais cette vision « familiale » du travail des enfants dans une nation à plus de 90% rurale est loin de refléter la réalité du travail des enfants. On retrouve cette « main d’œuvre bon marché et soumise » dans bien d’autres activités : 20.000 récoltants dans les grandes exploitations de vanille, casseurs de pierres (une activité « traditionnelle » que certains malgaches dans les forums prétendraient défendre contre l’introduction de techniques modernes évidemment portées par des entreprises étrangères), porteurs d’eau (dans un pays où l’adduction d’eau est encore un luxe en zone rurale), ramassage du bois de chauffage (qui reste un facteur majeur de déforestation), portage et découpe dans le trafic des bois précieux, chercheurs de saphirs dans les carrières, vendeurs de beignets, dockers…
N’accédant pas à l’école, aux basiques de la lecture, de l’écriture et du calcul, les enfants seront d’autant moins en capacité d’apporter à leurs familles et au pays de nouveaux savoirs, de nouvelles techniques, de nouvelles façons de penser et de travailler, de nouvelles sources de richesses. Et ainsi se perpétue la misère.
En effet comment dans ces conditions espérer doubler voire tripler le médiocre rendement de la culture du riz à Madagascar ? Comment dans ces conditions espérer former une jeunesse responsable construite sur des valeurs solides (car « Lire c’est élire » ainsi que le rappelle magnifiquement un panneau affiché dans la bibliothèque du lycée d’Imito), une jeunesse qui permette au pays de sortir de ses maux endémiques, de la spirale infernale de la division interne, de la logorrhée politicienne, de la corruption ?
Modestement, des institutions et des associations tentent un peu partout d’agir. Mais plus important encore des malgaches eux-mêmes prennent en charge la question. Ainsi au sein de la société civile (congrégations, associations) les initiatives se multiplient, n’abandonnant pas l’action à la seule inaction d’un appareil d’Etat dépourvu de moyens.
Dans ce contexte bien difficile, est-il encore besoin de souligner l’importance de « l’équation vertueuse » à laquelle Esperanza par son action a la volonté de contribuer : fournir aux enfants l’accès à un repas quotidien, et ainsi encourager les parents à envoyer leurs enfants à l’école, avec assiduité, et donc permettre à ceux-ci non seulement l’accès à l’éducation clé indispensable (sinon suffisante) du développement.
Quelques liens pour aller plus loin :
- Institut National de la Statistique de Madagascar
- UNICEF : les statistiques de Madagascar
- la très complète étude conjointe menée en 2007 par le Bureau International du Travail et les autorités malgaches
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